Française
J’aime être à Paris les vendredis soirs. Je n’y vis plus mais j’ai l’impression de lui appartenir encore. Charonne, Parmentier, Oberkampf, des quartiers populaires où l’on déambule entre amis à la recherche d’une terrasse animée où rire avec des inconnus, un peu grisés par les happy hours. Dans la fraîcheur tardive de l’automne, on dragouille gentiment un verre de rouge à la main, ou d’autre chose, si tu ne veux pas boire.
Des âmes gangrénées s’en sont pris à la vraie vie. Pas seulement celle qui fait sautiller une ligne de coeur sur un écran noir dans un service d’urgences, non, mais celle des papillons dans le ventre, de la tête dans les étoiles et des pincements au coeur. Ces petits partages ou ces grandes trouvailles qui font le charme aussi transcendant qu’épuisant de Paris.
Paris, aujourd’hui, j’ai envie de t’étreindre comme un vieux pote qui aurait perdu sa mère. Je voudrais te serrer fort dans mes bras et te dire que tout ira bien, je voudrais t’offrir des « free hugs» à la sortie du métro toute la journée, toute la semaine, toute la vie. Je voudrais chanter « La vie en rose » debout sur République en choeur avec ta voix tremblante. Nous avons un genou à terre, c’est vrai. Il faut leur concéder ça.
Je n’ai jamais prié et ne prierai pas pour Paris. Mais je serai plus sereine et courtoise qu’avant, je sourirai encore plus, et je mettrai des shorts encore plus courts. Je ne cèderai pas à la haine, trop facile. Je ferai des câlins et j’offrirai des verres à mes amis. Je leur dirai que je les aime et quand j’aurai des enfants, il sauront qu’il ne faut jamais renoncer, ne pas céder à la facilité et toujours lutter pour le meilleur, aussi petit qu’il puisse paraître. Je leur apprendrai l’équilibre, à trouver leur juste milieu, je leur dirai que le fanatisme sous toutes ses formes est la tumeur du monde, je leur apprendrai à s’aimer l’un l’autre, à ignorer les méchants, à ne jamais perdre leur petite étincelle et à partager leur goûter.
Ils seront cul-cul, certes, mais cul-cul de tout leur coeur.
Bien banalement,
Sophie Lambda